Tunisie : Cet heureux revirement de situation à l’avantage de cette merveilleuse révolution est fait non sans calculs


Après vingt-cinq ans passés au cœur du pouvoir Béji Caïd Essebsi n’hésite pas à affirmer que «Les responsabilités politiques que j'ai assumées étaient des parenthèses plus ou moins longues dans ma carrière d'avocat.» Quel bilan en fait-il ? « À la fin de mon dernier mandat de député, en 1994, j'ai eu le sentiment de ne pas avoir pu changer grand-chose au système politique. Mais j'ai quitté la scène politique sans regret. Et sans nostalgie. J'assume totalement tout ce que j'ai fait », ajoute-t-il. L’histoire a décidé autrement; la révolution a fait en sorte que ce disciple de Bourguiba se trouve en position de changer le système politique d’une double dictature.
 Béji Caïd Essebsi à l’image de son  mentor est un pragmatique. Sa démarche politique a toujours été marquée par le bon sens et la justice. Juriste de formation, tout procédait pour lui de la légitimité et de la légalité. Échanger la stratégie de la confrontation avec l’opinion publique contre celle de « l’essentiel et l’important ». L’essentiel est de rétablir la sécurité, l’important est de changer le système politique en place ; il puise sa légitimité de son écoute à la voix de la majorité et il cherche à asseoir la légalité à travers une assemblée constituante. Une méthodologie bourguibienne prise à la lettre : faire l’essentiel et le plus important en toute légalité et sous couvert de la légitimité populiste.  
 Dans le chaos qui a marqué l’après Ben Ali et le Fiasco du RCD et du gouvernement Ghanouchi, je m’interroge pourquoi l’occident a essayé d’écarter les voix de la sagesse et d’ignorer les grands politiciens de cette nation. Il faut dire que ceux qui étaient en place durant le règne de Ben Ali n’avaient aucune compétence politique, sinon des agents à exécuter les ordres d’un clan mafieux. Après l’échec de leurs manœuvres qui avaient pour but de sauver le régime en déroute que Ben Ali a laissé après avoir pris la fuite, la droite française et la diplomatie américaine se sont résignées à l’idée que la société tunisienne est rendue prête à l’avenue d’une vraie démocratie et que leurs intérêts seraient davantage garantis par un état tunisien démocrate qui fera office de projet politique pilote dans le monde arabe.
 L’enjeu est de taille car cet heureux revirement de situation à l’avantage de cette merveilleuse révolution est fait non sans calculs. Les évènements en Égypte et l’incertitude en Libye ont fait du dossier tunisien un dossier à classer d’urgence. Les américains, les italiens et les français ont besoin d’un allié fiable afin de mettre à mort le régime du «fou de Tripoli » et d'asseoir un autre qui préservera leurs intérêts. Les occidentaux savent très bien qu’en Tunisie le pouvoir est rendu dans les mains de la rue et que le gouvernement en place est rendu un gouvernement d’opposition au peuple ; ils ont fait leur examen de conscience et ils ont décidé de se rallier au vrai détenteur du pouvoir.
 Gloire à nos martyrs
Chafi Chaieb, doctorant écologue à l’UQÀM (Canada)

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