Tunisie : À cause de l’impertinence des partis politiques, nous risquerions de reproduire la malheureuse expérience Algérienne de Décembre 1991 … une belle alternative est de proposer des listes indépendantes qui représentent l'élan révolutionnaire
Depuis l’obtention de son Visa le 1er mars 2011, le parti Ennahda ne perd pas de temps. Ce mouvement de tendance Islamique a conquis une partie du terrain déserté par le RCD. Qu'en sera-t-il à la veille du mois d’octobre 2011?
Les Nahdhaouis ont bien saisi que la Révolution du 14 janvier fut le résultat du soulèvement des citoyens de l’intérieur du pays contre l'injustice sociale, les disparités régionales, le chômage et la précarité, d’une part. En outre, ils ont très bien compris que la « Révolution de la Dignité » fut consolidée par l’aboutissement de l’insurrection d’un peuple contre un tyran qui avait usurpé les pouvoirs et les biens.
Visiblement, ils ont mieux assimilé les messages de veille lancés par Jean Daniel lors de son récent passage à Tunis: « La question sociale doit être au cœur du débat, vu que les jeunes se sont soulevés contre l'injustice sociale, les disparités régionales, le chômage et la précarité ». Jean Daniel (La Presse 12/03)
C’est dans cette perspective qu’ils organisent les rencontres et animent les débats. Réussissant brillamment à mettre en avant les motivations et les enjeux de la Révolution, ils s’ingénient dans la mise en valeur des idées interceptées dans tous les sens pour concocter des solutions efficaces répondant aux attentes du grand public, et prenant en considération ses aspirations légitimes.
Je suis persuadé qu’ils ne naviguent pas à vue. Ce sont de « véritables pros » dotés d’une triple stratégie : une stratégie d’établissement, une stratégie de recrutement, et une stratégie de croissance. Il nous appartient tous de rester vigilants pour éviter tout risque de dérapage pouvant être irréversible. Déjà nous sommes inquiets quant à l’utilisation déloyale des mosquées pour véhiculer leurs messages politico spirituels. D’ailleurs, dans les prières du vendredi (El Jomoâa), certains Imams usent de leur pouvoir pour réserver l’un des 2 discours à la communication sur l’indissociation de l’Islam et de la politique, ce qui n’est pas normal.
C’est exactement ce que faisait ZABA de son RCD pour verrouiller la société tunisienne. Il appartient également à notre Gouvernement Transitoire, en général, et à Monsieur le Ministre des Affaires Religieuses, en particulier, d’émettre un communiqué, voire un gentil avertissement, pour remettre les défaillants à l’ordre.
Aussi, ne vaudrait-il pas mieux finir avec les discours et les débats sur la laïcité, qui ne font que conforter les extrémistes religieux dans leurs positions, allant jusqu’à nous miroiter une éventuelle « iranisation » de la société tunisienne. A mon humble avis, la laïcité est loin d'être le combat prioritaire dans notre pays musulman. Je crois que nous traversons un grand nombre d'enjeux politiques & socio-économiques, qui méritent des analyses approfondies dans la perspective d'identifier les remèdes adéquats & actions optimales pour relever les défis dans les meilleures conditions (chronologiques & budgétaires).
Si les partis libéro-démocrates ou socio-économiques continuent dans leur « bricolage politique », ils finiront par être dégagés de la scène, et se contenter d'une miette d'électorats. En effet, aucun programme de développement intégral n'a été esquissé par l'un de ces partis pour être débattu avec les Tunisiens, Pauvres Ibrahim, Mohsni, Ben Jaâfar etc… Où êtes-vous ? N’aviez vous pas promis pluie et beau temps ? Depuis que j’ai suivi certaines de leurs réunions, je me sens abattu. « Celui qui n’avance pas recule ». Ne seraient-ils pas entrain de renforcer la cote des Nahdhouis par leur immobilisme ?
Brillant par leur absence dans les débats cruciaux et féconds, ainsi que par leur impertinence dans les rassemblements populaires, ces partis sont entrain de donner du crédit à ENNAHDHA, sans s’en rendre compte. Par leur médiocrité, ils acculent la jeunesse désespérée et la population exaspérée à prêter attention aux discours d’Ennahda.
Si vraiment ils étaient de sérieux partis politiques, ils devraient avoir des programmes dans leurs tiroirs qu’ils gagneraient à mettre à jour pour en communiquer les lignes directrices. Mais, en vain ! Aucun schéma, aucune esquisse, aucun modèle, et aucun programme n’a été porté à la connaissance du public, ni suffisamment élucidés dans leurs propres journaux.
J’ai comme l’impression qu’ils se sont contentés – durant 23 années passées - de jouer le jeu avec Ben Ali pour constituer une vitrine de partis d’opposition devant l’opinion internationale, moyennant une rémunération convenablement payée pour les services rendus indirectement.
« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ». Albert Einstein
« Demande ce que tu peux faire pour ton pays, avant de demander ce que ton pays peut faire pour toi ». John F. Kennedy
Plusieurs questions méritent d’être développées et débattues par les Partis politiques, pour informer et mettre à contribution les citoyens dans l’exercice d’analyse des sujets à l'ordre du jour, dont notamment:
- analyse des motivations et enjeux de la révolution de la dignité : injustice sociale, chômage, disparité des richesses, précarité. et pistes de solutions préconisées
- analyse comparative des différents régimes républicains
- benchmark des modèles de gouvernance politique, notamment de régime parlementaire: Portugal, France
- succes stories en transition démocratique & expansion économique: Turquie, Malaisie, ….
- présentation critique de la physionomie de la scène politique la veille de l’élection des représentants à l’Assemblé Constituante
- appréciation synthétique des programmes diffusés par les partis & mouvances en compétition électorale
- plan de résorption du chômage : préservation des emplois, création de nouveaux
- réaction aux résultats des récents sondages d'opinions
- redressement des fondamentaux économiques : stratégie & plan d’actions
- restructuration du système financier et reprofilage des leviers financiers
- benchmark des pays compétiteurs de la Tunisie et récepteurs d'Investissements extérieurs
- benchmark des modèles économiques & sociaux, et success stories
- motivations & enjeux de l'établissement de barrières douanières (techniques, normatives, et anti-dumping)
- mécanismes incitatifs à l'investissement: Industrie, Agriculture, Tourisme, ...
- adaptabilité de l'enseignement supérieur aux besoins futurs en ressources humaines
Il est grand temps que nous réveillions ensemble ces anciens partis, paresseux intellectuellement et limités stratégiquement. Au lieu de s’entretuer pour s’arracher le leadership de l’opposition, ils feraient mieux de nettoyer devant leurs portes respectives, et de s’atteler à écouter les doléances d’un peuple qui leur a longtemps fait confiance.
Si les doyens de l’opposition tunisienne ne se remettront pas en cause, nous irions le mois d’octobre tout droit vers une distribution de l’électorat en « poisson », et risquerions de reproduire la malheureuse expérience Algérienne de Décembre 1991.
Je souhaiterais terminer mon propos par une note positive, en émettant le vœu qu’un second parti de tendance islamique, nettement plus modéré et tolérant que le parti Ennahda, soit agréé par les autorités compétentes. La coexistence de 2 partis devrait permettre aux concitoyens ayant des convictions fortes, d’arbitrer entre tel ou tel parti selon le sérieux, la crédibilité et l’efficacité.
Par Mohamed Chawki Abid (revisité)
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