Tunisie : "Le système Ben Ali est toujours en place .. Exprimez-vous, mais on fera toujours ce que l'on veut"
C'est le premier véritable test du printemps arabe. Neuf mois après la chute de l'ex-président Ben Ali, les Tunisiens sont appelés le 23 octobre prochain à élire leur première assemblée constituante de la Tunisie nouvelle. Plus qu'une simple élection, le scrutin, qui vise à terme à adopter une nouvelle Constitution, a été arraché de haute lutte. Des semaines de manifestations sur la place de la Kasbah ont été nécessaires pour obtenir la tête du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, un ancien du clan Ben Ali, ouvrant la voie à l'annonce du vote historique. "Cette élection est celle du peuple", se souvient avec émotion la blogueuse Lina Ben Mhenni, auteur de Tunisian Girl : blogueuse pour un printemps arabe (éditions Indigène).
Mais, six mois et un report plus tard, l'excitation a cédé la place à la désillusion. "Rien n'a changé pour nous, Tunisiens, lâche la cyberactiviste. Au contraire, tout est toujours plus cher et la police politique est de retour." Le 15 août, des manifestants pacifiques opposés à la corruption en vigueur ont été tabassés. "Les deux institutions à la base de la répression sous Ben Ali, à savoir les forces de sécurité et le système judiciaire, n'ont toujours pas été réformées", indique Said Haddadi, chercheur au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International. Pire, d'après le militant, la torture serait toujours pratiquée.
Parité homme-femme
La Tunisie nouvelle a pourtant eu droit à son lot de réformes. En un temps record, le pays a vu l'éclosion d'une cinquantaine de partis politiques remplaçant l'unique RCD de Ben Ali. Des dizaines de journaux et d'ONG sur les droits de l'homme ont également vu le jour. Nommée à l'instance nationale indépendante pour le secteur de l'information et de la communication, Lina Ben Mhenni a démissionné au bout de deux mois. "Exprimez-vous, mais on fera toujours ce que l'on veut : voici en substance le message que l'on nous a transmis", explique la Tunisienne, qui ne voulait plus servir de "vitrine".
La mesure la plus sensationnelle du gouvernement transitoire concerne le droit des femmes. Tandis que les Saoudiennes viennent d'obtenir leur droit de vote, les Tunisiennes ont obtenu en avril la parité homme-femme sur les prochaines listes électorales. Une décision qui ne réjouit qu'à moitié la blogueuse. "Le système Ben Ali est toujours là. Avides de pouvoir, les membres du parti RCD n'ont fait que se reconvertir dans une vingtaine d'autres partis. Au lieu d'être jugés, ils vont s'atteler à écrire notre future Constitution", déplore-t-elle. Pour s'assurer de la mise en œuvre des promesses de réforme, Amnesty International a demandé à l'ensemble des candidats de signer un "manifeste" de dix engagements relatifs aux droits humains. "Nous souhaitons profiter de cette période historique pour que le plus grand nombre de candidats signent les points qui ne font pas débat dans la société", indique Said Haddadi. Font l'unanimité l'abolition de la torture et la réforme judiciaire. Toujours taboues, la peine de mort et l'homosexualité.
Double discours
Profitant de la fragmentation des candidatures, avec près de 1 500 listes électorales, le parti islamiste Ennadha (de la Renaissance), pourtant absent de la révolution du jasmin, arrive aujourd'hui en tête des sondages, avec au moins 20 % des suffrages, loin devant le RCD et la gauche. "Ce parti très organisé a été le plus intelligent de tous en misant sur le social", explique Lina Ben Mhenni. "Depuis le retour d'exil de son fondateur Rached Ghannouchi, ses partisans parcourent les provinces en jouant sur le sentiment religieux de la population et en distribuant de l'argent." Et, judicieusement, le parti islamiste s'est retiré de la commission chargée des réformes dès qu'a été évoquée la question du financement des partis.
"Ennadha se déclare favorable aux droits que les Tunisiennes ont acquis depuis l'indépendance", signale Said Haddadi, qui a pu s'entretenir en mars avec plusieurs membres du parti islamiste. "Il a ainsi désigné plusieurs femmes sur ses listes." Cela ne convainc pas Lina Ben Mhenni, qui avertit : "Ennadha pratique le double discours. Pendant qu'ils affichent une certaine modération dans leurs programmes et dans les médias, ils diffusent un tout autre discours dans les mosquées. Lors de la prière du vendredi, ils louent la polygamie et appellent au meurtre des laïcs, qu'ils considèrent comme des athées."
Mais, six mois et un report plus tard, l'excitation a cédé la place à la désillusion. "Rien n'a changé pour nous, Tunisiens, lâche la cyberactiviste. Au contraire, tout est toujours plus cher et la police politique est de retour." Le 15 août, des manifestants pacifiques opposés à la corruption en vigueur ont été tabassés. "Les deux institutions à la base de la répression sous Ben Ali, à savoir les forces de sécurité et le système judiciaire, n'ont toujours pas été réformées", indique Said Haddadi, chercheur au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International. Pire, d'après le militant, la torture serait toujours pratiquée.
Parité homme-femme
La Tunisie nouvelle a pourtant eu droit à son lot de réformes. En un temps record, le pays a vu l'éclosion d'une cinquantaine de partis politiques remplaçant l'unique RCD de Ben Ali. Des dizaines de journaux et d'ONG sur les droits de l'homme ont également vu le jour. Nommée à l'instance nationale indépendante pour le secteur de l'information et de la communication, Lina Ben Mhenni a démissionné au bout de deux mois. "Exprimez-vous, mais on fera toujours ce que l'on veut : voici en substance le message que l'on nous a transmis", explique la Tunisienne, qui ne voulait plus servir de "vitrine".
La mesure la plus sensationnelle du gouvernement transitoire concerne le droit des femmes. Tandis que les Saoudiennes viennent d'obtenir leur droit de vote, les Tunisiennes ont obtenu en avril la parité homme-femme sur les prochaines listes électorales. Une décision qui ne réjouit qu'à moitié la blogueuse. "Le système Ben Ali est toujours là. Avides de pouvoir, les membres du parti RCD n'ont fait que se reconvertir dans une vingtaine d'autres partis. Au lieu d'être jugés, ils vont s'atteler à écrire notre future Constitution", déplore-t-elle. Pour s'assurer de la mise en œuvre des promesses de réforme, Amnesty International a demandé à l'ensemble des candidats de signer un "manifeste" de dix engagements relatifs aux droits humains. "Nous souhaitons profiter de cette période historique pour que le plus grand nombre de candidats signent les points qui ne font pas débat dans la société", indique Said Haddadi. Font l'unanimité l'abolition de la torture et la réforme judiciaire. Toujours taboues, la peine de mort et l'homosexualité.
Double discours
Profitant de la fragmentation des candidatures, avec près de 1 500 listes électorales, le parti islamiste Ennadha (de la Renaissance), pourtant absent de la révolution du jasmin, arrive aujourd'hui en tête des sondages, avec au moins 20 % des suffrages, loin devant le RCD et la gauche. "Ce parti très organisé a été le plus intelligent de tous en misant sur le social", explique Lina Ben Mhenni. "Depuis le retour d'exil de son fondateur Rached Ghannouchi, ses partisans parcourent les provinces en jouant sur le sentiment religieux de la population et en distribuant de l'argent." Et, judicieusement, le parti islamiste s'est retiré de la commission chargée des réformes dès qu'a été évoquée la question du financement des partis.
"Ennadha se déclare favorable aux droits que les Tunisiennes ont acquis depuis l'indépendance", signale Said Haddadi, qui a pu s'entretenir en mars avec plusieurs membres du parti islamiste. "Il a ainsi désigné plusieurs femmes sur ses listes." Cela ne convainc pas Lina Ben Mhenni, qui avertit : "Ennadha pratique le double discours. Pendant qu'ils affichent une certaine modération dans leurs programmes et dans les médias, ils diffusent un tout autre discours dans les mosquées. Lors de la prière du vendredi, ils louent la polygamie et appellent au meurtre des laïcs, qu'ils considèrent comme des athées."
http://www.lepoint.fr/monde/tunisie-le-systeme-ben-ali-est-toujours-en-place-27-09-2011-1378062_24.php
Commentaires
Enregistrer un commentaire