Tunisie: les éditorialistes français ... une même ligne islamophobe ... il serait mieux de passer moins par l’anathème

Certains éditoriaux français prennent une ligne islamophobe. On pourra lire diverses contributions sur le thème, que ce soit Alain-Gérard Slama dans ‘‘Le Figaro’’ du 26 octobre («Elections en Tunisie : sous le jasmin, les cactus», heureusement ce texte n’est pas en accès libre sur le site du journal) ; ou encore Martine Gozlan, ou l’inénarrable Caroline Fourest, qui écrit notamment sur son blog : «Dire qu’Ennahdha est “modéré” parce qu’il existe des salafistes très excités, c’est un peu comme expliquer que le Front national de Marine Le Pen est de “gauche” parce qu’il existe des skinheads.»
Mais ne tombons pas dans la paranoïa : fort heureusement, d’autres textes font la part des choses.
On notera la tribune de Bernard Guetta dans ‘‘Libération’’ du 26 octobre, «L’impardonnable faute des laïcs tunisiens » – encore que l’idée d’un nécessaire front des laïcs me semble contestable.
Et aussi l’éditorial du ‘‘Monde’’ (27 octobre), « Et si, en Tunisie, la démocratie passait par l’islam ?» : «L’annonce concomitante du retour de la charia en Libye, avant la poussée électorale attendue d’autres forces islamistes en Egypte, risque ainsi d’alimenter l’incompréhension face à des révolutions menées pour les droits de l’homme qui ne se traduisent pas instantanément par l’adoption des valeurs que les Occidentaux revendiquent. C’est singulièrement vrai sur la question des droits qui doivent être reconnus aux femmes. Ce serait cependant faire injure aux Tunisiennes et aux Tunisiens que de décréter, toutes affaires cessantes et sans qu’il soit nécessaire de voir les vainqueurs à l’ouvrage, que le succès d’Ennahdha sonne le glas de leur “printemps”. En l’occurrence, si une loi mérite l’attention, dans les pays qui vont voter pour la première fois autrement que sous la matraque et pour un parti unique, c’est sans doute moins la loi islamique qu’un code autrement plus prosaïque : la loi électorale.»
«La réussite des transitions arabes passe nécessairement par l’adhésion du plus grand nombre à un projet commun, et donc par le compromis et la négociation. A cet égard, le système proportionnel retenu en Tunisie qui écrête les raz de marée électoraux au lieu de les amplifier et contraint le vainqueur à trouver des alliés est judicieux ; il permet d’éviter une situation à l’algérienne, lorsque le Front islamique du salut retourna à son profit en 1991 un système conçu pour favoriser le Fln.»

«La volonté exprimée par des opposants historiques tels que Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaafar, dont les partis ont obtenu des résultats encourageants, de trouver des terrains d’entente avec Ennahdha dessine un tout autre chemin, celui d’un apprentissage de la démocratie qui passe moins par l’anathème que par le dialogue. Sans faire preuve d’un angélisme excessif, il est permis de le juger prometteur.»
Et les élections tunisiennes seront à marquer d’une pierre blanche sur la longue voie des peuples arabes vers la démocratie.

 Par Alain Gresh
Source:  http://www.kapitalis.com/afkar/68-tribune/6647-tunisie-les-editocrates-francais-repartent-en-guerre.html

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