La situation en Syrie, le clan Assad, percées des rebelles et la contre offensive du régime en déroute
Mi-mars 2011, la population syrienne,
influencée par les printemps arabes, décide de prendre son destin en main. Elle
se lance dans une protestation sans précédent contre le régime de Bachar
el-Assad. Ce dernier, président depuis juin 2000, résiste avec force face à la
pression de son peuple et celle de la communauté internationale. La répression
s’accentue chaque jour et le nombre des protestataires s'accroît de plus en
plus. La révolte se propage dans tout le pays, laissant derrière elle des
dizaines de milliers de tués, de sans-abri et de réfugiés... L’Observatoire
syrien des droits de l’homme (OSDH) parle de plus de 17 000 morts,
majoritairement des civils, ces seize derniers mois.
La Syrie en chiffres (1)
Superficie : 185 180 km² (dont 1 295 km²
annexés par Israël).
Nombre d’habitants *: 22 500 000.
Population : Arabes (90%), Kurdes (9%).
Religion : musulmans sunnites (74%),
alaouites (12%), chrétiens (10%), druzes (3%).
Langue officielle : arabe.
Monnaie : livre syrienne.
Syrie: la multiplicité des ramifications
du clan Assad (2)
Le clan Assad compte une centaine de
personnes et de multiples ramifications, qui sont toutes issues d'un seul et
même homme : le grand-père de l'actuel président syrien, Bachar el-Assad,
c'est-à-dire Ali Souleiman el-Assad. Ce petit notable était originaire du
village de Qardaha, à l'est de Lattaquié, dans le nord-ouest de la Syrie. Il
faisait partie de l'une des minorités les plus pauvres et les moins considérées
du pays, la communauté alaouite. Mais Ali Suleiman el-Assad rêvait des plus
hautes sphères du pouvoir et s'est choisi un patronyme à la hauteur de ses
ambitions : el-Assad, c'est-à-dire « Le lion ».
Pour mettre à
bien sa stratégie d'ascension sociale, Ali Suleiman el-Assad a donc misé sur le
pouvoir militaire, comme l'explique David Rigoulet-Roze, spécialiste du
Moyen-Orient et chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique : « C'est la la colonisation française qui a encouragé la communauté alaouite, qui était à
l'origine assez pauvre et méprisée, à investir le corps de l'armée. À terme,
cela a favorisé sa prise du pouvoir. »
En 1970, le
fils d'Ali Souleiman el-Assad, Hafez el-Assad, s'empare du pouvoir après un
coup d'Etat militaire et structure alors son régime autour d'un parti unique,
le parti Baas. Après avoir investi le pouvoir militaire, cet habillage
politique baasiste constitue la deuxième étape de sa stratégie pour asseoir sa
présence au pouvoir, souligne David Rigoulet-Roze : « Le fait de renforcer
le nationalisme arabe dans la culture baasiste était une manière de montrer
que, finalement, elle ne se réduisait pas à une culture purement alaouite. »
Un noyau dur alaouite et des soutiens sunnites
Enfin,
troisième et dernière étape, dans la droite lignée de la précédente, sceller
des alliances avec les autres communautés et notamment avec la communauté
sunnite, majoritaire en Syrie.
« Bachar
el-Assad s’est efforcé depuis son arrivée au pouvoir d’intégrer la bourgeoisie
sunnite dans son cénacle. Il a pris comme postulat que les Alaouites sont
obligés de le soutenir s’ils veulent conserver les privilèges acquis depuis des
décennies, voire éviter la vengeance du régime sunnite, qui lui succéderait. Il
est donc plus important d’intégrer les élites économiques au pouvoir, en
partageant avec elles les bénéfices de la libéralisation économique »,
précise le géographe Fabrice Balanche, spécialiste de la région et auteur de
L'atlas du Proche-Orient arabe, dans un article intitulé les alaouites et la crise politique.Ce
rapprochement avec la communauté sunnite passe notamment par des alliances
matrimoniales, dont le meilleur exemple est le président Bachar el-Assad
lui-même. Sa femme, Asma, appartient à une riche famille sunnite de Homs, dans
le centre du pays. Son frère, Maher, est lui aussi marié à une sunnite de la
région de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie.
Des rôles clairement définis au sein du clan
Au
sein du clan Assad, la distinction est très claire entre les différents volets
du pouvoir : la partie économique du côté de la famille maternelle de Bachar
el-Assad, avec le milliardaire Rami Makhlouf par exemple, et la partie
sécuritaire et militaire, monopolisée par la garde rapprochée de Bachar el-Assad
et de son frère, Maher. La
mort d'Assef Chawkat, le beau-frère du président syrien, est donc un coup dur
pour le régime, car il faisait partie de ce volet sécuritaire et était à la
tête de la cellule de crise chargée de mater le mouvement de contestation en
Syrie. Enfin, en pointillés, se dessine une troisième ramification, moins
évidente. Il s'agit de Rifaat el-Assad, le frère d'Hafez el-Assad, exilé à
Londres.
Des soutiens forts dans le pays et à l'étranger
En
novembre 2011, Rifaat el-Assad demandait à son neveu de quitter le pouvoir,
dans un entretien accordéau quotidien francais Le Figaro, tout en demandant à la
communauté internationale de « trouver un refuge à Bachar et à sa famille ».
Une
manière de se positionner « comme une courroie de transmission éventuelle »,
analyse David Rigoulet-Roze. « C'est intéressant car Rifaat el-Assad a quatre
femmes dont l'une d'entre elles est la sœur de l'une des femmes du roi d'Arabie
Saoudite. Aussi étonnant que cela puisse paraître, du fait de son obédience
alaouite, Rifaat el-Assad a des liens assez étroits avec le roi Abdallah
d'Arabie saoudite », poursuit le chercheur.
Cela
illustre la multiplicité des ramifications du clan Assad et l'imbrication des
intérêts extrêmement complexe en Syrie, à l'intérieur même du pays mais aussi
au-delà des frontières.
Le
troisième veto de la Russie et de la Chine jeudi 15 juillet au Conseil de
sécurité des Nations unies laisse supposer que derrière le dossier syrien,
affleurent des tractations plus larges, commente Salam Kawakibi, chercheur à l'Arab
Reform Initiative : « Entre Russes et Américains, il y a plusieurs dossiers
qui passent de la Géorgie au bouclier anti-missiles à la question énergétique
avec l'Europe et l'Asie. Et bien entendu, les Russes veulent revenir sur la
scène internationale en tant que puissance reconnue, ce qui avait été
marginalisé par la communauté internationale après l'effondrement du bloc soviétique.
Je crois donc que les Syriens font maintenant les frais d'une nouvelle guerre
froide qui n'a plus lieu entre deux
grandes puissances
mais entre plusieurs puissances internationales et régionales ».
En Syrie, les forces de
l’opposition multiplient les assauts (3)
Alors que la bataille de
Damas se poursuit et que des combats ont lieu à Alep, Bachar el-Assad affiche
volontiers l’image du chef qui, dans la tempête, tient la barre d’une main
ferme quarante-huit heures après l’attentat qui a tué quatre hauts responsables
syriens. Dans ce contexte extrêmement instable, il est plus que jamais
d’actualité de tenter de mieux comprendre les grands courants qui animent les
forces de l’opposition syrienne. La révolte qui dure depuis seize mois a fait
17 000 morts, la plupart civils, selon l’Observatoire syrien des droits de
l’homme (OSDH).
Le Conseil national syrien
(CNS)
constitue le principal groupe d’opposition dont le siège est à Istanbul. Créé
en août 2011, il s’agit davantage d’une plate-forme de mouvements, de
nationalistes arabes, d’anciens caciques du régime, de partis comme les Frères
musulmans qui y pèsent de tout leur poids et d’individus, dont plusieurs
intellectuels en exil ou à l’intérieur, plutôt que d’un bloc. Cette atomisation
de l’opposition, ou plus justement des oppositions, explique les tiraillements
qui agitent régulièrement le CNS. Ainsi récemment ceux qui ont conduit à la démission de son président,
le sunnite franco-syrien Buhran Ghalioun soupçonné d’être l’homme des
islamistes en exil, remplacé par un Kurde, Abdel Basset Sayda.
Laïcs
et islamistes, Syriens de l’intérieur et exilés, jeunes révolutionnaires et
vieux briscards alimentent les tensions. Et plus le but se rapproche, plus la
quête d’unité des oppositions semble hors de portée. Réunie au Caire, début
juillet, l’opposition à el-Assad n’a pu que dresser un nouveau constat d’échec
devant son incapacité à définir une ébauche cohérente de l’après-Assad. Acteur
de premier plan des opposants, les Frères musulmans ont d’ailleurs annoncé à
Istanbul, ce 20 juillet, leur intention de créer un parti politique défendant
une vision « islamique » de la société syrienne.
Rien
d’étonnant cependant à ce que l’opposition à la dictature baassiste d’el-Assad
ait tant de mal à se rassembler. Depuis quatre décennies, la Syrie n’a vécu en
effet que sous la férule d’un régime autoritaire où la moindre velléité de
résistance était sévèrement réprimée. Pour les mouvements et les individus qui
la composent, l’appartenance ethnique et religieuse compte au moins autant que la ligne politique. Tous ces critères font que la recherche
d’un consensus relève de la haute diplomatie.
L’Armée syrienne libre
(ASL)est le bras armé du CNS. L’attentat qui a
frappé le 18 juillet 2012 de plein fouet l’appareil sécuritaire de l’Etat et tué
quatre hauts responsables dont le beau-frère de Bachar el-Assad, a encore fait
monter d’un cran l’escalade de la répression. Pour le moment et malgré leur
revendication, les spécialistes hésitent à attribuer à la seule ASL la
paternité de cet attentat aux importantes retombées symboliques.
Mais
quel que soit son auteur ou son concepteur, cela montre que l’armée syrienne
libre n’est plus isolée et qu’elle peut compter sur de solides appuis :
l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie qui la fournissent en armes depuis
quelques mois. Dans l’armement livré, on trouve des armes antichars
sophistiquées dites de « de troisième génération », des fusils AK47 et du
matériel destiné à fabriquer des engins explosifs. Ses effectifs seraient
compris entre 30 et 40 000 hommes, le plus souvent formés dans le feu de
l’action et dispersés dans tout le pays alors que l’armée régulière en compte
300 000 aussi bien entraînés qu’équipés.
L’ALS a intégré dans ses
rangs de nombreux déserteurs de l’armée syrienne parmi lesquels 13 généraux.
Cela dit, selon des combattants rebelles, bien d’autres hauts gradés
resteraient dans les rangs de l’armée régulière et leur fourniraient de
précieux renseignements sur les opérations de répression en cours ou en
préparation à travers le territoire.
Les défection ont été
nombreuses ces derniers mois mais aucune n’a eu le retentissement de celle, le
6 juillet, du général Mounaf Tlass, un sunnite proche de la famille Assad et
ami d’enfance de Bachar. Homme de confiance du président, il avait même été
chargé de négocier avec les rebelles à Rastane et à Deraa lors des premières
semaines du soulèvement. Il avait cependant été écarté depuis un an de ses
responsabilités à la tête de la Garde républicaine après avoir été jugé peu
fiable. Mounaf Tlass est aujourd’hui réfugié à Paris alors que toute sa famille
est déjà à l’étranger à l’exception notable de son cousin, lui aussi déserteur,
Abdel Razzak Tlass qui est chef de la brigade Farouk à Homs, une unité
combattante de l’Armée libre syrienne composée là aussi en grande partie de
déserteurs.
Une autre défection, à
quelques jours de distance de celle de Tlass, a également frappé les esprits,
celle de l'ambassadeur syrien à Bagdad, Nawaf Farès. Ce sunnite a gravi tous
les échelons des bons serviteurs des Assad père et fils, de simple policier aux
redoutables services du renseignement en passant par la direction du parti Baas
avant de devenir gouverneur puis enfin diplomate. Tout comme celui de Tlass, ce
parcours intéresse au plus haut point les Occidentaux à la recherche d’un homme
de transition pour l’après Assad. Un intérêt qui est à l’opposé de celui des
opposants qui, au contraire, se méfient au plus au point de ces hommes en qui
ils ne voient que des complices du pouvoir honni.
Tous les jours, affirme l’ALS,
des soldats désertent mais le 2 juillet a été particulier. Ce jour-là, 85
militaires auraient fait défection selon l’agence turque Anatolie. Parmi ces
militaires qui se sont réfugiés récemment en Turquie, figuraient un général, un
colonel, un lieutenant-colonel et 18 autres officiers… Autant d'hommes qui
connaissent de l'intérieur la stratégie des forces loyales au régime de Bachar
el-Assad et qui représentent autant de grains de sable dans le système.
Syrie: le régime tente
coûte que coûte de reprendre le contrôle de Damas (4)
Il
n'est pas question pour Bachar el-Assad de quitter le pouvoir en Syrie, ont
fait savoir les autorités syriennes après les propos tenus ce vendreddi sur RFI par l'ambassadeur russe en France.
Sur le plan intérieur, le régime a perdu ce matin l'un des hauts responsables
de son système sécuritaire, le chef de la Sécurité nationale, qui a succombé à
ses blessures, après l'attentat-suicide perpétré mercredi à Damas. Depuis cette
attaque, le régime semble avoir franchi un nouveau seuil dans sa stratégie de
répression pour tenter de rétablir son autorité dans tous les quartiers de la
capitale syrienne.
La
dernière offensive de l'armée syrienne aurait été lancée sur le quartier de
Jobar, en fin de matinée ce vendredi 20 juillet.
Des
camions et des véhicules militaires sont arrivés sur la zone avec à leur bord
des soldats lourdement armés, décrit l'Observatoire syrien des droits de
l'homme (OSDH), dans l'est de Damas, juste à côté du quartier de Qaboune, le
premier de la capitale visé par un assaut de l'armée, jeudi dans la soirée.
Ce
vendredi matin, c'est Midane, au sud de la vieille ville, qui aurait été « entièrement
nettoyé des résidus des terroristes mercenaires » selon les termes des forces
syriennes.
L'offensive
de l'armée régulière est de taille, à la hauteur de l'enjeu que représente la capitale syrienne qui
jusque-là était relativement épargnée par les affrontements. Mais depuis six
jours maintenant, plusieurs quartiers de Damas sont le théâtre d'une véritable
guérilla urbaine entre les autorités syriennes et l'Armée syrienne libre (ASL).
« Le ramadan de la victoire sera écrit à Damas »
Ce
vendredi, les appels à manifester se sont multipliés du côté des opposants sous
le slogan « le ramadan de la victoire sera écrit à Damas ». Selon la
date arrêtée par les autorités syriennes, le ramadan ne commence que samedi,
mais ce sera dès aujourd'hui ont décidé de leur côté les opposants à
majorité sunnites.
Aujourd'hui
ou demain, le terme de victoire semble prématuré. L'Armée syrienne libre peut
toutefois se prévaloir de positions stratégiques inédites, aux frontières du
pays notamment, avec le contrôle du poste de Bab al-Hawa à la frontière turque
et celui d'Abu Qamal à la frontière avec l'Irak.
C'est
désormais la capitale qui paie le plus lourd tribut des violences dans le pays,
47 civils et 23 civils ont été tués jeudi à Damas et sa province, et plus de
300 personnes sur l'ensemble du territoire. C'est le bilan le plus lourd depuis
le début du mouvement de contestation.
Références
(1) *Source : Fonds monétaire international
(estimation 2010).
(2) Par Cécile Debarge
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120720-syrie-damas-bachar-assad-hafez-alaouite-sunnite-homs%28arab%28reform-initiative
(3) Par Claire Arsenault
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120720-syrie-forces-opposition-assauts-cns-als-assad-armee-tlass
(4) Par RFI
(2) Par Cécile Debarge
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120720-syrie-damas-bachar-assad-hafez-alaouite-sunnite-homs%28arab%28reform-initiative
(3) Par Claire Arsenault
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120720-syrie-forces-opposition-assauts-cns-als-assad-armee-tlass
(4) Par RFI
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120720-syrie-damas-midane-asl-osdh-bachar-assad-russie-turquie-irak
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