Tunisie: On voit une nouvelle "élite" politique incompétente, opportuniste, vendue et prête à toutes les compromissions pour se maintenir ou parvenir au pouvoir
Intellectuel atypique, il n’a pas perdu sa verve, ni ses analyses
décapantes. Il surprend toujours, provoque souvent, mais il a le mérite de la
cohérence et du courage politique, même si Épicentre ne partage pas entièrement
ses prises de positions. Mezri Haddad porte le regard d’un philosophe qui sait
que l’Histoire est souvent capricieuse et toujours tragique.
En réponse à la question « quel regard portez-vous sur la Tunisie
actuelle ? », il dit; je regarde une société qui était travailleuse,
nationaliste et moderne, gagnée par la haine de classe, par l’envie, par la
nonchalance, par l’anarchie et par l’intégrisme ; je vois une nouvelle
"élite" politique incompétente, opportuniste, vendue et prête à
toutes les compromissions pour se maintenir ou parvenir au pouvoir. Il y a
moins de deux ans, les tunisiens étaient si fiers de cette "révolution du
jasmin" dont ils n’ont été que les idiots utiles et dont on constate
aujourd’hui les conséquences nationales autant que géopolitiques : un pays en
faillite économique et en régression sociale, culturelle et politique, qui a
perdu jusqu’à sa souveraineté. L’Histoire sera impitoyable avec les
révolutionnaires du jasmin, pas seulement parce qu’ils ont fait perdre à leur
propre pays les acquis d’un demi-siècle de réformisme, d’indépendance, de lutte
contre l’ignorance et le sous-développement, mais surtout parce qu’ils ont
favorisé le retour en force de l’impérialisme et du néocolonialisme en terre
arabe.
À qui la faute ? C’est la faute d’abord à un régime autiste
(totalitaire et policier), qui n’a pas su introduire la démocratie lorsque les
conditions sociales, économiques et éducationnelles étaient favorables. C’est
la faute d’un ramassis d’imposteurs et de renégats qui ont fait des droits de
l’homme un commerce juteux et un moyen à des fins bassement politiques. Le 23
octobre 2011, les Tunisiens ont été consultés pour élire une assemblée
constituante, comme s’il était d’ailleurs impérieux d’abolir une constitution
parfaitement moderne dont il n’y avait que deux articles à retirer.
Qu’est-ce qui devrait être plus révoltant et humiliant pour un peuple qui
dit avoir fait la révolution de la Dignité : le fait que la mafia qui est au
pouvoir se remplisse les poches et en fasse profiter ses anciens sbires, ou que
John McCain, Hillary Clinton viennent dicter à la Tunisie sa politique, ou
qu’un nombre incalculable d’ONG arrivées des quatre coins du monde pour étudier
l’échantillon anthropologique que nous sommes devenus, ou qu’un imam
luciférien, Youssef Qaradaoui vienne distiller à un peuple musulman depuis 14
siècles son poison wahhabite, que Hammouda Pacha a rejeté dès 1814 ?
En ce qui concerne le président actuel Moncef Marzouki, ceux qui le
connaissent depuis longtemps ne ce sont pas trompés sur lui et sur sa
pathologie du pouvoir. Il s’est fait longtemps passé pour un nationaliste arabe
pour ensuite se déguiser en gladiateur des droits de l’homme. Il est devenu,
non guère un allié tactique d’Ennahda, comme il continue à le dire aujourd’hui,
mais un membre secret de cette confrérie. Ceux qui croyaient en lui éprouvent actuellement
de la pitié et du mépris pour lui, comme d’ailleurs pour sa réplique
"socialisante" et néanmoins bourgeoise, Mustapha Ben Jaâfar.
Par ailleurs, le parti de Béji Caïd Essebsi n’est pas un adversaire
idéologique et politique d’Ennahda mais un partenaire contrarié. "Sociaux
démocrates" est un concept d’importation qui ne correspond à aucune
réalité sociopolitique tunisienne. Dans la configuration politique actuelle, il
n’y a d’ailleurs ni gauche, ni droite, ni socialiste, ni libéral… En réalité,
il y a deux protagonistes : les patriotes et les collabos (d’un point de vue
politique), les laïcs et les islamistes (d’un point de vue idéologique). Sous
une forme ou sous une autre, l’islamisme se maintiendra au pouvoir, de gré ou
de force. Qu’il soit soft ou hard, les Tunisiens n’échapperont pas à
l’abjection islamiste. Les islamistes, bénéficient d’une popularité auprès
d’une plèbe mentalement prédisposée à la dictature islamiste.
Mezri Haddad conclue sur un air plus optimiste, de même que l’islamisme
s’est incrusté en Tunisie par une volonté non révolutionnaire, il sera éradiqué
par la volonté de Dieu et la détermination de la nation tunisienne. Comme
toujours depuis les Carthaginois, la Tunisie renaîtra de ses cendres, encore
plus belle et plus puissante.
Résumé, rédigé et
publié par Épicentre, des propos recueillis par Espace Manager de l'intellectuel tunisien Mezri Haddad
Pour lire l’intégral des propos suivez le lien :
Commentaires
Enregistrer un commentaire