Tunisie: Rehausser le débat politique ... Parler des programmes ... Doper la croissance, mettre fin aux injustices et concevoir une issue à la crise

Même si la vision ne s’est pas encore clarifiée envers les prochaines échéances politiques, et nonobstant l’absence d’un calendrier électoral définitif et précis, la Tunisie vit une ambiance de précampagne virulente, sur fond de joutes oratoires incessantes qui iront crescendo dans la prochaine période.
Au point où en est la situation socio-économique, le climat politique mérite d’être apaisé, et le consensus prôné à l’envi au niveau des discours, se doit d’être traduit dans les faits, pour épargner au pays plus de tensions contreproductives. Or, l’esprit de compromis fait jusque-là défaut, pour céder la place à une obstination mutuelle, tant du côté du pouvoir que de l’opposition, notamment autour de l’échéance du 23 octobre. L’opposition estime que cette date anniversaire de l’élection de l’Assemblée nationale constituante sonne le glas de la légitimité électorale, chose à laquelle la troïka oppose une fin de non-recevoir. Pour elle, la légitimité n’arrive à son terme qu’avec la rédaction de la constitution et l’organisation d’élections démocratiques et transparentes.

Les partis de la troïka ont exprimé vendredi dernier dans un communiqué "leur refus de toutes les tentatives de putsch contre la légitimité électorale". Ils ont affirmé leur "engagement à proposer un calendrier définitif du processus constitutif, de manière à parvenir au consensus entre les différentes parties prenantes". Même si l’on compte sur la responsabilité et le patriotisme des forces d’opposition pour ne pas faire planer le spectre de l’anarchie sur la Tunisie en prévision du 23 octobre, il incombe à la coalition tripartite au pouvoir de couper court d’emblée à tout risque de déstabilisation.

Pour le moment, les annonces sont là, mais la concrétisation tarde à venir. Le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a annoncé, lors de sa dernière intervention télévisée, que l’initiative de l’UGTT sera adoptée comme cadre de dialogue pour parvenir à un consensus sur les points litigieux, et arrêter un calendrier électoral dont est tributaire la fin de cette deuxième période transitoire, constitutive. Sauf que le temps presse, deux semaines seulement nous séparent du 23/10, et les signes d’un prochain pacte politique ne sont pas encore là. A fortiori en présence de cette rupture entre le mouvement de Rached Ghannouchi, et celui de Béji Caïd Essebsi.

Ennahdha voit dans Nidaa Tounes "une résurrection de l’ancien système, voire "une force contrerévolutionnaire", et refuse de le considérer comme un compétiteur politique digne de ce nom. Le mouvement de Béji Caïd Essebsi interprète les attaques à son endroit comme "une peur du parti islamiste de sa popularité grandissante". Un affrontement qui ne fait qu’envenimer un climat politique déjà délétère, et augmente l’incertitude quant à l’avenir.

Nidaa Tounes est un parti reconnu et légal, et doit être considéré en tant que tel tant par le pouvoir que par ses rivaux politiques. Qu’Ennahdha décide de le boycotter est une démarche qui n’a rien à voir avec l’exercice démocratique, où les batailles politiques se gagnent à travers la force de l’argument et le verdict des urnes. Que Nidaa Tounes compte dans ses rangs des personnes coupables de crimes ou délits, leurs dossiers doivent être du ressort de la justice, et non d’une quelconque décision politique. L’affrontement est d’autant plus stérile que Nidaa Tounes ne va pas faire cavalier seul lors des prochaines élections. Le mouvement est en pourparlers avec les deux principales formations de l’opposition, en l’occurrence alJoumhouri et alMassar, et un front commun est sur le point de naître en prévision du prochain scrutin.

Entretemps, le front populaire, coalition de dix partis de gauche, nationalistes..., dont le chef de fil est le parti des travailleurs de Hamma Hammami, vient d’être annoncé officiellement dimanche 07 octobre, et se présente comme une alternative à la troïka au pouvoir.

Le fait que le paysage politique se reconstitue et se recompose ne peut que clarifier la vision pour les Tunisiens, et éviter l’effritement consécutif aux élections du 23 octobre 2011. Reste à rehausser le débat politique qui connait, hélas, de nombreux dérapages, et atteint souvent un niveau déplorable au point de répugner les Tunisiens et de susciter leur désaffection de la politique.

Les échanges entre partis politiques devraient se faire sur les programmes, et les solutions préconisées pour lutter contre le chômage et le déséquilibre régional, couvrir les déficits, doper la croissance, améliorer le pouvoir d’achat, mettre fin aux injustices, bref concevoir une issue à la crise et redonner confiance en notre pays. Se perdre dans les méandres des tiraillements idéologiques sans fin, sur fond d’attaques et de dénigrements réciproques ne mènera nulle part. Parlons de sujets sérieux, et les Tunisiens sauront distinguer le bon grain de l’ivraie.

H.T

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