TUNISIE: UNE DÉMOCRATIE BOITEUSE, L’ÉCHEC DES ALLIANCES, DES CALCULS PARTISANS SUR FONDS IDÉOLOGIQUES … NOUS MÉRITONS MIEUX.

L’absence d’une vraie démocratie en Tunisie s’est avérée catastrophique sur le quotidient des tunisiens. Le fait d’organiser des élections consiste encore en une technique et non une culture bien assimilée. On a beau rêvé, mais notre pays est loin d’être un État de droit.

Le religieux, par ce temps de crise économique, devient un refuge métaphysique. Le peuple tunisien a choisi dans sa majorité l’islam comme culture et identité. Apparemment il se sent bien dans l’exercice quotidien de cette religion et il en est fier. Cela vient du fait que les dictatures qui ont dominés durant des décennies ont été perçues comme des émanations de la politique occidentale.

L’Occident dans son ensemble est considéré comme le complice de ces dictateurs mais aussi comme le pourvoyeur d’une culture laïque en opposition aux traditions ancestrales d’une société où l’islam a toujours été vécu comme une morale et la source d’une grande civilisation.

La laïcité est comprise par les islamistes non pas comme une séparation de la religion et de l’État, mais comme une négation de la religion, un athéisme déguisé n’osant pas s’affirmer directement. Toute discussion à ce propos est rejetée. Il existe cependant une société civile faisant de la laïcité son cheval de bataille, mais elle est minoritaire et combattue par des arguments fallacieux et démagogiques.

Ennahda ainsi que son allié inconditionnel "El Karama" montent au front contre l'UGTT et leurs symphatisants de gauche, entre-autres, le courant démocratique, les accusant de rendre impossible la formation d'un gouvernement pro-révolutionnaires. Comme si Ennahdha est la seule garante de la survie de la révolution du jasmin alors qu'elle n'avait pas hésité à la sapper, par ses alliances avec les mafieux, durant le dernier mandat.

La guerre médiatique entre ces deux parties contendantes bat son plein, et les Islamistes -et bien d’autre d’ailleurs- s’obstinent à considérer qu’il existe, parallèlement à l'extrême droite religieuse, une gauche accomplissant les mêmes faits et ne différant en rien, donc, de la première quant à sa nature corrompue!!!

Les tunisiens se questionnent: Est-ce qu'on va assister de nouveau à une guerre opposant, d'un coté, l'UGTT, sali par la corruption de ses dérigeants, lequel incarne encore la gauche radicale en Tunisie, et, de l'autre coté, le prochain gouvernement à saveur nahdaouie?

Est-ce qu'on assisteta à une nouvelle collision, laquelle amènera son lot de manifestations, de marches et de grèvres comme cela s'était produit par le passé? Ou bien ils exerceront la violence des gangs conformément au modèle «guevariste» comme les groupes "Topamaros" colombien et "Badermainhof" allemand, par exemple?

Les alliances futures pour la formation du gouvernement ne pourraient que clarifier la vision pour les Tunisiens, et éviter les fiascos consécutifs aux élections de 2011 et 2014. Reste à rehausser le débat politique qui connaît, hélas, de nombreux dérapages, et atteint souvent un niveau déplorable au point de répugner les Tunisiens et ne fait que susciter leur désaffection de la politique.

Les échanges entre partis politiques devraient se faire sur les programmes, et les solutions préconisées pour lutter contre le chômage et le déséquilibre régional, couvrir les déficits, doper la croissance, améliorer le pouvoir d’achat, mettre fin aux injustices, bref concevoir une issue à la crise et redonner confiance en notre pays.

Se perdre dans les méandres des tiraillements idéologiques sans fin, sur fond d’attaques et de dénigrements réciproques ne mènera nulle part. Parlons de sujets sérieux, et les Tunisiens sauront distinguer le bon grain de l’ivraie.

Depuis que le fameux "printemps arabe" a glissé vers l'islamisme, les espoirs sont déçus, les révolutions ont avorté. D'autres acteurs sont entrés en scène et nous promettent une longue période d'instabilité. D'autres regrettent l'ancien régime et disent qu'il vaut mieux un dictateur corrompu qu'un régime islamiste qui démontre son incapacité à gouverner.

Ce qui est regrettable est bel et bien ce fatalisme des tunisiens à choisir entre une dictature mafieuse ou une dictature religieuse alors que bâtir un État de droits, en dehors de tout calcul, est tellement trivial … nous le méritons.

Par Chafi Chaieb, professeur écologue à Montréal

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