Amplifier la mobilisation en vue de neutraliser les forces antidémocratiques

Un système présenté comme un exemple de réussite par les institutions monétaires et financières internationales. Pour elles, c’était le « miracle tunisien ». Un miracle qui a confisqué les richesses des masses populaires durant 23 ans. Un miracle aux conséquences des plus néfastes en termes de pillage et de despotisme.
Les « maîtres du monde » n’ont pas vu venir ce processus révolutionnaire. Aveuglés par leur course au profit, ils ont continué à croire que le général Ben Ali allait étouffer cette révolution et que leur silence complice suffirait. Pour renforcer encore leur mainmise sur les richesses de la Tunisie, différents prétextes ont été avancés. La droite française et même quelques figures « socialistes » ont essayé de nous faire croire, qu’au nom du respect des politiques intérieures des pays du Maghreb et de leur souveraineté, ils refusaient de « donner des leçons » et de « juger de l’extérieur » (François Baroin) le régime en place.
Alors que toutes les voix libres de par le monde n’ont jamais arrêté de dénoncer le régime de Ben Ali et sa politique repressive, jusqu’au 14 janvier, quelques heures avant la fuite du despote, les autorités françaises persistaient à dénigrer ce mouvement social par en bas. Pris de panique, elles ne parlaient plus « de la progression des espaces de libertés » (Sarkozy), ni de la « réussite économique du modèle tunisien » (DSK), mais elles avaient l’affront de « dénoncer l’usage de la violence », non pas de celle des sbires de ce régime sanguinaire, mais de celle des jeunes désarmés, en proposant « le savoir-faire français en matière de sécurité reconnu dans le monde » (Michèle Alliot-Marie).
Cet entêtement vient d’être mis à mal par les tunisiens en lutte car, malgré le témoignage explicite des représentants de la diplomatie étasunienne (qui n’était pas destinés à être publiés) à propos de « la pratique généralisée de la corruption, de l’hégémonie de l’économie de l’endettement » et d’un « système quasi mafieux » (Wikileaks), le monde occidental a refusé jusqu’au bout de renoncer à tout soutien à un régime qui n’a brillé que par ses agissements criminels. Le peuple tunisien vient de discréditer ces démocraties occidentales en les mettant face à leurs contradictions. Elles peinent aujourd’hui à redorer leur image.
Certes le triomphe de la révolution tunisienne est fragile, vu les acteurs de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur, qui tentent de faire avorter ce processus et de mettre fin à cet élan qui pourrait gagner tous les peuples de la région, voire du bassin méditerranéen; l'Égypte en est l'exemple.
C’est pourquoi les révolutionnaires doivent rester sur leur garde et amplifier la solidarité et la mobilisation en vue de neutraliser les forces antidémocratiques, de revendiquer leur droit à l’émancipation sociale et politique, de restituer les richesses accaparées par la mafia RCD qui gisent dans les banques européennes, notamment en Suisse, et d’abandonner toute connivence avec les régimes dictatoriaux. En Tunisie, il est impératif de dissoudre sans délai le RCD cette gangrène dictatoriale et de traduire les bandits qui ont dirigé le pays depuis 23 ans devant la justice.
Il n’est pas si fréquent d’assister à une révolution démocratique de cette beauté. Il vaut donc la peine d’en saisir pleinement tous les enseignements. C’est dans la perspective de ces rares moments que les révolutionnaires doivent se tenir prêts à défendre un programme compatible avec les intérêts d'un système démocratique fort de toutes sortes d’organisations qui garantissent que le mouvement ne soit pas exproprié de sa victoire par un simple relookage du pouvoir discrétionnaire des dominants. C’est à cette tâche difficile qu’ils doivent s’atteler aujourd’hui en Tunisie.

Par Anis Mansour, article paru dans le journal Solidarités revisité et mis à jour par Épicentre
Le texte intégral est disponible sur le lien :
http://www.solidarites.ch/common/index.php/component/content/article/3-voir-toutes-les-publications/32-vive-la-revolution-sociale-et-democratique-en-tunisie

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