Clan RCD : l'ultime ruse « Nous allons nous préparer pour que le RCD vous prépare un accueil triomphal à votre retour à Tunis »

L'ultime ruse
Jeudi 13 janvier, Zine el-Abidine Ben Ali, qui se trouve à Hammamet, à une soixantaine de kilomètres au sud de Tunis, dans le palais d’été du couple présidentiel, convoque, dans l’après-midi, ses plus proches collaborateurs. Ils sont peu nombreux : Abdelaziz Ben Dhia, ministre d’État, chef du cabinet présidentiel et porte-parole officiel, Abdelwaheb Abdallah, ministre conseiller, et le général Ali Seriati, chef de la redoutable garde présidentielle, unité d’élite entièrement dévouée à l’ex-président.
Ce petit conclave passe la situation en revue. L’idée d’une éventuelle éclipse tactique, juste le temps que la révolte populaire soit matée, a-t-elle été évoquée ? D’anciens proches du palais le pensent. La position d’Abdallah et de Ben Dhia est sans surprise. « Tout ce que vous estimez bon est bon, Sayid ar-Raïs (monsieur le président) », glisse le premier, promettant que les médias seraient à l’unisson du régime. « Nous allons nous préparer pour que le RCD vous prépare un accueil triomphal à votre retour à Tunis », assure le second.
La manœuvre est ficelée, sauf que, pendant ce temps, à Tunis, le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, reçoit successivement des représentants de la centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et les trois dirigeants de l’opposition : Néjib Chebbi (Parti démocratique progressiste, PDP), Mustapha Ben Jaafar (Forum démocratique pour le travail et les libertés, FDTL) et Ahmed Brahim (Ettajdid). Tous sont prêts à soutenir un scénario de sortie de crise honorable, pourvu qu’il y ait des réformes. Ghannouchi faxe le compte rendu des entretiens à Ben Ali.
Une aubaine pour le dernier carré, convaincu qu’il faut donner l’apparence de céder aux revendications. Le mensonge et la ruse comme seule porte de sortie. Un mystérieux rédacteur propagandiste rédige le fameux discours du 13 janvier aux accents gaulliens (« Je vous ai compris ») et reprend, presque mot pour mot, les formules des leaders de l’opposition. À 20 heures, Ben Ali est à la télévision et pense s’être tiré d’affaire. Malgré le couvre-feu, des jeunes du clan familial et des groupes de miliciens à bord de voitures de location sillonnent Tunis pour manifester leur enthousiasme. Le peuple mordra-t-il à l’hameçon ? Réponse le lendemain, date de la grève générale à laquelle a appelé l’UGTT dans le Grand Tunis.

"Game over"

Vendredi 14 janvier. Journée décisive. Solidaire du mouvement de contestation dès le 17 décembre et l’immolation du jeune Mohamed Bouazizi, l’UGTT a maintenu son mot d’ordre. Un rassemblement a lieu vers 9 heures place M’hamed-Ali, où se trouve le siège historique du syndicat. Une heure plus tard, sans avoir reçu de consignes formelles, le cortège se dirige vers l’avenue Bourguiba toute proche, haut lieu de toutes les manifestations. La foule les rejoint. Vers 10 h 30, le centre-ville est noir de monde. Devant le ministère de l’Intérieur, la colère gronde.
« On ne nous la fera plus. Nous ne croyons plus aux promesses », lance Ali, un historien. « Ben Ali, dégage ! », « Game over ! » scandent les manifestants. On reconnaît à leurs toges les avocats, aux côtés de cadres en costume-cravate, d’ouvriers, de femmes, d’enfants venus avec leurs parents et de jeunes. Beaucoup de jeunes. Pacifiquement, ils forcent le cordon de sécurité devant le ministère de l’Intérieur, ne s’arrêtant qu’à la première marche de l’entrée principale.

Fuite précipitée
Revenu au palais de Carthage, Ben Ali est tenu informé minute par minute des événements. Vers 11 heures, l’étau se resserre. « Ben Ali a sorti Bourguiba, l’avenue Bourguiba a sorti Ben Ali », disent déjà les plus avertis. Le président se rend à l’évidence. La statue du dictateur vacille, mais il aura tout de même fallu un coup de pouce de l’armée républicaine pour qu’elle s’effondre. Des blindés sont déployés autour du palais présidentiel. Ben Ali comprend le message et multiplie les appels téléphoniques. La partie est finie.

Épicentre publie un extrait de l'article paru dans le magazine Jeune Afrique
Texte intégral :
http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2611p029-032-bis.xml0/libye-meurtre-opposition-presidenttunisie-les-derniers-jours-d-un-regime-a-l-agonie.html



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