L'urgence d'une assemblée constituante non seulement pour déloger le régime, mais, également, afin de répudier la dette de la dictature


La répudiation de la dette de la dictature
En attendant de récupérer ces sommes, le nouveau gouvernement devrait répudier la dette odieuse contractée entre le 7 novembre 1987 et le 14 janvier 2011 sans se laisser impressionner par les marchés financiers et les différents créanciers sur l’arrêt des flux financiers vers la Tunisie. Pour dresser un portrait rapide de cette dette, on peut en donner quelques éléments à partir de l’article déjà mentionné (1) écrit en juin 2010 par Fathi Chamkhi de Raid/Attac CADTM Tunisie. Ainsi, si l’endettement total de la Tunisie a atteint 65,5 milliards de dinars (21,8 milliards d’euros) en 2008 représentant 130% du PIB, la dette interne en représentait 65% donc 43,6 milliards d’euros et la dette externe 35% (10,5 milliards d’euros). Lorsqu’à la dette à long terme on ajoute celle à moyen et court termes, la dette extérieure totale atteint alors plus de 27 milliards de dinars (soit 13 milliards d’euros (2)). De 1990 à 2008, le service de la dette a englouti plus de 38,5 milliards de dinars (18,5 milliards d’euros). Cependant, malgré cette hémorragie, l’encours de la dette a été multiplié par 3,7 au cours de cette même période, et par plus de 17 depuis 1980. Quant au ratio service de la dette/dépenses de santé, il a augmenté de 3,753 en 1995 à 5,588 en 2008, ce qui signifie que le service de la dette accapare donc l’équivalent de 5,6 budgets de la santé chaque année. Même si la Tunisie ne recevait plus aucun prêt, en arrêtant de rembourser une dette odieuse, elle économiserait en tout l’équivalent du service de la dette qu’elle pourrait utiliser pour des dépenses sociales et productives. L’exemple de l’Argentine, qui est entrée en cessation de paiement pour un montant d’environ 100 milliards de dollars après le soulèvement populaire des 19 et 20 décembre 2001, a bien démontré que ce pays n’a pas connu le chaos qui lui était prédit par les médias internationaux, mais qu’en consacrant les sommes économisées sur le service de la dette à des dépenses de relance et de création d’emploi (toutes insuffisantes qu’elles ont été), il a renoué avec un taux de croissance de 6 à 8% à partir de 2002-2003. L'Argentine a finalement renégocié cette dette en 2005 en imposant une diminution de 65% aux créanciers. Un autre exemple que l’on peut également mentionner est celui de l’Équateur, pays à revenu intermédiaire ; il montre bien comment la volonté de tenir tête à des créanciers qui bénéficient d’un système d’endettement injuste peut libérer des fonds pour investir dans des dépenses sociales et productives. L’Équateur a en effet, après l’élection de Rafael Correa fin 2006, mis sur pied une Commission d’audit sur la dette à laquelle Eric Toussaint a participé pour le CADTM. Muni des conclusions du travail de la Commission, Rafael Correa a imposé, après suspension unilatérale des remboursements, une négociation aux créanciers de la dette commerciale. « Il a racheté pour moins de 1 milliard de dollars des titres valant 3,2 milliards de dollars. Le trésor public équatorien a ainsi économisé environ 2,2 milliards de dollars de stock de dette auxquels il faut ajouter les 300 millions de dollars d’intérêts par an pour la période 2008-2030. Cela a permis de dégager de nouveaux moyens financiers permettant au gouvernement d’augmenter les dépenses sociales dans la santé, l’éducation, l’aide sociale et dans le développement d’infrastructures de communication (3)». Cependant comme la Tunisie sort directement de la dictature, une fois le nouveau gouvernement démocratique en place, celui-ci a toute légitimité et tout intérêt à déclarer directement la répudiation de toute la dette contractée depuis le putsch de Ben Ali. Un acte unilatéral souverain de répudiation s’appuyant sur le droit international et la doctrine de la dette odieuse suffit. Cette doctrine élaborée en 1927 stipule ce qui suit : « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier (…). Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir. » Nul doute en effet que la Tunisie de Ben Ali répond parfaitement à la doctrine de la dette odieuse. Un audit de la dette pourrait lui servir entre autres à montrer les complicités en vue d’exercer des poursuites contre ces responsables. L’attitude des agences de notation (4) qui dégradent la note de la Tunisie montre une fois de plus que les acteurs financiers préfèrent une dictature qui protège les intérêts des détenteurs de dette à la libération d’une population opprimée et privée de l’accès aux bénéfices des richesses de son pays.

Vers une Assemblée constituante ? Il s’agirait pour le peuple tunisien de mettre sur pied une Assemblée constituante avec la participation populaire la plus large possible pour mettre en œuvre ces points importants et bien d’autres pour récupérer le contrôle sur les ressources et richesses du pays. Celles-ci doivent servir les intérêts des populations à commencer par celles qui ont été le plus privées d’accès à l’éducation, à la santé, au travail, à un logement... Une telle Assemblée aurait tout à fait intérêt à se pencher sur les investissements des entreprises étrangères et mettre en place un audit sur ces investissements pour faire en sorte que ceux-ci profitent aux populations, soit en les nationalisant soit en leur imposant des conditions de fonctionnement.

Par Virginie de Romanet coordinatrice du Comité de l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM Bruxelles) virginie@cadtm.org (Titre proposé par Épicentre)
Suivez le lien pour lire l’article intégral : http://www.cadtm.org/Les-defis-a-venir-de-la-revolution
 
(1) Voir l’article de Fathi Chamkhi http://www.cadtm.org/Quel-role-joue... (2) On serait actuellement à plus de 14 milliards. (3) Voir l’article d’Eric Toussaint de la Série : Du Nord au Sud de la planète : la dette dans tous ses états 1ère partie : Dette des pays en développement : une dangereuse insouciance http://www.cadtm.org/1ere-partie-De... (4) http://www.20minutes.fr/article/655...

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